Biographie : un peu de lecture, pour me découvrir !

Herbert Léonard


Souvent, on m’a posé la même question : « Écrirez-vous un jour vos mémoires ? ». J’ai toujours répondu par la négative ! Pourquoi faire ! Je considère que seuls les grands hommes « doivent écrire leurs mémoires » - ceux qui font l’histoire de l’humanité, les grands politiques et militaires, les philosophes, écrivains, scientifiques et savants, les artistes témoins de leur temps - car la mémoire doit être collective. Mais un interprète de la chanson populaire comme moi... quel intérêt ? Et puis, ma mémoire est trop sélective. Mes neurones ont obéré trop de souvenirs, volontairement ou non. Par contre, je peux vous soumettre, à vous qui lisez ces lignes, une biographie un peu plus “fournie” que celle, concentrée sur une seule page, que je fais généralement parvenir aux médias pour rafraîchir leur mémoire ou pour les informer de mon parcours lorsqu’ils n’ont pas le temps de le faire eux-mêmes. Et cette biographie pourrait commencer ainsi: “Or donc, il y avait une fois....”!

Je suis né le 25 février 1945 à Strasbourg et, par conséquent, je suis alsacien et du signe du « poissons ». Mon vrai nom est Hubert LOENHARD, un nom bien germanique, et je n’ai que très peu de souvenirs de ma petite enfance, si ce n’est que mes parents étaient pauvres, que j’avais une sœur de dix années mon aînée (tous décédés aujourd’hui), que j’étais plutôt du genre “solitaire” malgré la présence d’une tripotée de cousins et de cousines, que j’ai appris à rouler en vélo et à nager tout seul, que j’ai très jeune aimé le football et la pêche à la ligne, et que ma scolarité s’est bien passée (certificat d’étude réussi avec mention « bien »).

Herbert Léonard

A 5 ou 6 ans ……. avec mon vélo / Ma sœur, mon père et ma mère (je n’étais pas encore né).



Le dénuement pécuniaire de mes parents (mon père était éboueur et ma mère était « femme au foyer ») ne m’a pourtant fait manquer de rien en apparence et leur souci de ne pas me voir mener la même vie qu’eux les a poussés à « se saigner aux quatre veines » pour que j’effectue des études secondaires. D’abord au Collège technique, puis au Lycée, je me suis pris d’amour pour le dessin industriel au détriment de pratiquement toutes les autres matières (j’étais très nul en maths), sauf le français, l’histoire et la géographie, et cela me sert encore aujourd’hui.

Je n’ai pas terminé mon cycle d’études techniques pour deux raisons très simples : mon éveil à la musique d’abord, le déferlement du Rock and Roll ensuite ! La musique, parce qu’en suivant les cours de théologie de mon pasteur (je suis protestant) dans l’optique de ma confirmation (l’équivalent de la communion chez les Catholiques), j’ai découvert Tchaïkovski et son magnifique « Caprice Italien » que je faisais littéralement tourner en boucle sur son « Tepaz ». Le R&R ensuite, parce qu’en 1958, avec « Nofs » (un surnom trop compliqué à expliquer), mon meilleur ami, nous avons été sidéré d’entendre un jour sur les ondes « Rocky Volcano » dans une émission restée célèbre : « Salut les copains ». On s’est demandé quel était ce « truc », nous qui avions l’habitude d’entendre Bécaud, Aznavour, Brel, Brassens, Dalida (déjà) et d’autres artistes renommés des années 1950. Chez moi, je n’avais que peu de chances de tomber sur cette émission, mes parents n’écoutant que la radio allemande (ils sont nés au début du XXe siècle sous le régime allemand et parlaient très peu le français). Par contre, les frères de « Nofs » étant bien équipés en radios et en tourne-disques, c’est chez lui que nous écoutions « Salut les copains » et que nous jouions les galettes en vinyle de rock qu’on achetait à grands renforts d’économies sur notre argent de poche. Je me souviens que le premier disque 45 tours que j’ai acheté était « I’m mooving on » de Ray Charles !

Herbert Léonard

Le jour de ma confirmation.



Le R&R nous a littéralement chamboulé et très vite on a eu envie de « faire partie du mouvement ». Mais ce qui nous bouleversa le plus, ce fut l’apparition des « Shadows », un groupe instrumental anglais dont les tubes sont encore ancrés dans toutes les mémoires et qui sont toujours en tournée aujourd’hui. A 15 ans, un accident de mobylette (et non pas de moto, comme l’ont dit beaucoup trop de biographies succinctes lorsque je me suis mis à chanter) au cours duquel je me suis cassé le bras droit (cinq semaines d’hôpital et au moins autant de rééducation) va provoquer le début de la fin de mes études. La classe qui m’était promise au Collège technique ne pouvait plus me recevoir et je me suis retrouvé dans une autre, spécialisée dans la technologie avec pour finalité un diplôme qui ne m’intéressait pas du tout. Mais pour que je ne rate pas trop de cours, un copain me les apportait et, un jour, il arriva chez moi avec une guitare sur l’épaule.



Avec « Les Jets »

Cette guitare fut une « révélation » pour moi et je me fis la promesse que, dès mon plâtre disparu, je deviendrais le « plus grand guitariste du monde », dans la droite lignée des Shadows. Nofs, qui voulait jouer de la basse, fut prié d’apprendre la batterie car le fils de l’épicier d’en face de chez moi était déjà bassiste. Un second guitariste (dont j’ai oublié le nom) fut recruté et, tout en apprenant à jouer sur une guitare totalement faite de « bric et de broc », j’ai créé le groupe « Les Jets » (une référence à « West Side Story »). Pendant presque deux ans, les répétitions se succédèrent jusqu’à ce que nous puissions faire quelques apparitions sur les scènes des dancings des environs de Strasbourg en compagnie d’autres groupes (il en naissaient et il en disparaissaient toutes les semaines à cette époque). Mais quelque chose clochait : la mode était aux groupes avec chanteurs, façon « Chaussettes Noires », « Chats sauvages » et autres « Pirates ». D’évidence, il nous fallait un chanteur si nous voulions ne pas disparaître comme tant d’autres.

Herbert Léonard

Les Jets à leurs débuts, avec Michel Ragot au chant………

Le salut vint de Michel Ragot, chanteur déjà en vogue à Strasbourg qui, séduit par notre proposition de se joindre à nous, nous permit vraiment de nous affirmer en tant que groupe de Rock à Strasbourg. Bien vite, le répertoire que nous avions choisi, plutôt éclectique (on jouait même « Sophie », une des toutes premières chanson du génial « Christophe »), fit l’unanimité auprès des adolescents venant se divertir au « Coucou des bois », un dancing d’un bon demi-millier de places situé aux confins d’une banlieue de Strasbourg, qui accueillait les groupes du coin tous les samedis soirs et dimanches après-midi. Notre renommée s’accentua encore lorsqu’au début de 1964 nous remportâmes le concours régional organisé par le magasine « Nous les Garçons et les Filles » en interprétant, avec jeux de scènes à l’appui SVP, une chanson des « Beatles » (du jamais vu sur scène à Strasbourg jusqu’alors) : « I wanna be your men ». Dès lors, nous n’eûmes plus de concurrents sérieux et nous devînmes les « Rois » à Strasbourg et dans toute la région. Un peu auparavant, Michel avait réussi à faire en sorte que nous puissions participer à une des soirées consacrées aux groupes de Rock au célèbre « Golf Drouot » à Paris. On s’était déplacé en train avec tout notre matériel et, lorsque nous avons découvert ceux dont disposaient déjà les groupes de parisiens (et des environs), nous avons pu mesurer le « retard que les groupes provinciaux comme le nôtre avaient sur eux ». Mais qu’importe, on était passé chez Henri Leproux, ce qui ajouta encore quelques points à notre notoriété à Strasbourg.

Herbert Léonard

Les Jets au « Coucou des bois » pendant le concours « Nous les garçons et les filles »…….

Herbert Léonard

Les Jets au « Golf Drouot »



A l’Armée

Mais tout a une fin ! Mes études ne m’intéressaient plus du tout et je séchais un maximum de cours pour ne plus faire autre chose que de répéter, et de répéter encore. Mon père s’en aperçut et je dus avouer que, même si je n’avais aucune ambition véritable dans le monde de la « musique », je ne pouvais plus me concentrer sur autre chose que les « Jets ». Avec l’approbation de mes parents, je décidais de ne pas demander de sursis et de faire mon service militaire pour, peut-être, y apprendre quelque chose, ou du moins reprendre mes études plus tard. En mai 1964, je quittais mes chers « Jets » (mon ami Nofs avait dû le faire trois mois plus tôt pour les mêmes raisons), direction Metz où je devais rejoindre la base aérienne de Frescaty. Ce fut un réel déchirement pour moi et je n’espérais qu’une chose : que cette période de 18 mois sous les drapeaux passe très vite et que je ne sois pas envoyé « au cul du monde » après les deux premiers mois d’instruction. Fort heureusement, je restais à Metz où je fus affecté comme fichiste dans les services administratifs du commandant de la base. J’ai pu ainsi bénéficier de permissions pratiquement tous les week-ends pour regagner Strasbourg et rester en contact avec mes amis sans pourtant pouvoir réintégrer le groupe.

Herbert Léonard

La seule photo connue avec uniforme (debout à droite)..

Les « Jets » avaient réussi à se faire embaucher par le patron du « Sporting Palace », un grand dancing situé en plein milieu de Strasbourg. Ils y jouaient tous les samedis soirs et dimanches après-midi et la salle était constamment pleine d’adolescents et de jeunes adultes. Je passais mes permissions avec eux qui, de temps en temps, me laissaient jouer avec eux et, parfois, chanter une ou deux chansons que j’avais composées « dans ma tête » pendant mes longues soirées d’ennui à Metz. Mon service militaire passa ainsi un peu plus vite que je ne l’espérais. En mal de scène, je décidais de monter un autre groupe avec quelques copains pour occuper mieux mes permissions. Je le baptisais « Les Liverpool’s » en hommage aux Beatles, mais la formation n’étais pas viable et nous ne nous produisîmes sur scène que deux fois avant de nous séparer. Parallèlement, je restais toujours en contact avec les « Jets » dans l’espoir de retrouver ma place de guitariste à ma libération de l’Armée.

Herbert Léonard

Les « Liverpool’s » avec mon ami « Nofs » à la batterie…….