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Avec « les Lionceaux »
La « quille » venue à la fin de l’été 1965, j’ai été mis devant le fait accompli : aucune chance de réintégrer les
« Jets ». J’ai donc décidé de monter un nouveau groupe en tentant de débaucher leur chanteur, ce qui fut le cas.
Nous avons acheté (à crédit) du matériel « dernier cri » (pour moi une guitare Gibson ED-335 et un amplificateur
Vox, les « must » du moment) et le groupe fut baptisé « Les Bonds » (James était passé par là). Après de
nombreuses répétitions, surtout nocturnes, nous étions prêts et nous nous produisîmes quelques fois dans divers
endroits de Strasbourg. Désœuvré à mon retour de l’Armée, j’avais trouvé un emploi dans une immense fabrique
de prêt à porter où je taillais à la scie circulaire d’énormes épaisseurs de tissus. Un jour, complètement épuisé par
mon boulot et les répétitions avec les « Bonds », je m’endormis sur ma scie et mon pouce gauche passa dans la
lame. Ce fut l’horreur car, même s’il ne fut pas complètement coupé et que les services d’urgence de l’hôpital le
plus proche l’avaient bien recousu, ce pouce m’était indispensable car il soutenait le manche de ma guitare! Ce
jour-là, je me suis promis de ne plus jamais faire un travail manuel !
En novembre 1965, le patron du « Sporting Palace » annonça aux « Jets » (Michel était retourné avec eux après
la désagrégation des « Bonds » à la suite de mon accident) qu’il avait engagé un groupe professionnel très en
vogue pour tout le mois de décembre en remerciement de l’assiduité du public du dancing. Et nous vîmes arriver
« Les Lionceaux », chantres des adaptations des chansons des Beatles en français, très populaires depuis leurs
victoires, sept semaines de suite, à la célèbre émission d’Albert Raisner « Age tendre et tête de bois ». Comme
nous connaissions bien les lieux et Strasbourg, nous n’eûmes pas de difficultés à nouer des relations privilégiées
avec les musiciens des « Lionceaux », au point de leur demander de faire un « bœuf » avec eux un dimanche
après-midi de décembre 1965 devant ce qui était, en fin de compte, « notre public ». L’expérience fut concluante
car le soir même, leur batteur, Bob Mathieu, vint me voir pour me proposer de partir en tournée avec eux à partir
de janvier 1966. Ils avaient perdu leur guitariste-chanteur peu avant de venir à Strasbourg et cherchaient à le
remplacer. Ma tenue sur scène, mon « bon matériel » et les quelques notes que j’avais chantées pendant le
« bœuf » les avaient séduits. Je n’eus pas beaucoup d’hésitation et acceptais avec enthousiasme après l’accord de
mes parents, décontenancés de me voir partir ainsi sans reprendre mes études.
Du coup, leur mois terminé, et après une dizaine de jours de répétitions avec les Lionceaux, je quittais
Strasbourg début janvier 1966 pour Reims d’où ils étaient originaires. Il me faut préciser que je n’avais toujours
aucune ambition artistique particulière à cette époque et que seule l’expérience d’une tournée m’avait attirée. Et
pas n’importe laquelle : Les Lionceaux en lever de rideau, Memphis Slim en vedette anglaise, Ronnie Bird (quel
artiste) en vedette américaine et Chuck Berry en vedette tout court (assez décevant) .... et ce, pendant trois
semaines à travers toute la France. On a répété pendant deux jours à Reims avant de rejoindre l’Olympia pour la
« première de la tournée ». Quel dépaysement pour moi, car en plus de me retrouver sur cette scène mythique,
moi, « le pôvre provincial », j’eus le plaisir de pouvoir chanter une chanson de mon choix sur les quatre qui nous
étaient accordées. J’avais jeté mon dévolu sur « Keep on running » du « Spencer Davis Group », chanté en
anglais phonétique et tous les musiciens parisiens présents à l’Olympia pendant ce concert se sont demandés
« qui était l’Anglais que les Lionceaux avaient embauché ».
Ma vocation n’était pas de chanter en soliste avec « les Lionceaux », mais seulement d’en être le guitariste
rythmique participant aux chœurs. Pourtant, la tournée terminée, nous avons décidé de nous partager le
répertoire car le batteur, qui chantait pratiquement tout, en avait assez. Du coup, je décidais de m’attribuer les
tubes en vogue d’Otis Redding, de James Brown, de Percy Sledge, d’Aretha Fralklin et d’autres chanteurs de
R&B, car c’était mon « treap » à moi. Pendant dix mois, j’ai sillonné la France avec les Lionceaux et, si leur
popularité était toujours aussi forte, « ça sentait quand même la fin ». Leur maison de disque n’avait pas voulu
renouveler leur contrat et, en octobre 1966, Alain Hattat et Bob Mathieu (les deux leaders) décidèrent d’« arrêter
les frais » et de mettre fin au groupe. Le dernier concert eut lieu là où je les avais connus : à Strasbourg. Les
Lionceaux retournèrent chez eux et je restais chez moi. Mais Alain avait fait une promesse à ma mère (qui avait
assisté au denier concert) : celle d’essayer de me trouver un « job » à Paris comme musicien. Et il tint parole.



















