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Avec « Antoine et Lee Hallyday »
En novembre 1966 (je crois, ma mémoire est un peu défaillante), je reçus un télégramme de Paris, envoyé par
Alain, me demandant de le rejoindre « avec matériels et bagages » ... pour une surprise. Il s’était établi dans un
hôtel à Strasbourg-St.Denis (le « France-Algérie ») avec Bob et Claude Dubois, le bassiste des Lionceaux, tous
trois étant souvent sollicités pour des séances d’enregistrement. Je les y rejoignis et Alain m’apprit qu’il avait
fait entendre la bande son de notre dernier concert (la seule enregistrée en public, en guise de souvenir) à Alain
Boublil (directeur artistique chez « Vogue ») et qu’il avait été très intéressé par ma voix. J’allais au rendez-vous
convenu et, après quelques compliments sur ma façon de chanter le R&B (même en anglais très approximatif), il
me proposa d’adapter la chanson « Le lion est mort ce soir » à la manière de Percy Sledge ! Même si, à l’époque,
j’étais encore très timide et très introverti, je ne pus qu’en sourire, tant cette proposition me paraissait incongrue
! Je demandais à réfléchir et, deux jours plus tard, lui adressais un « non, merci » très poli.
Alain Hattat s’en trouva marri, mais ne désarma pas. Pour ne pas avoir à rentrer à Strasbourg, le chanteur
Antoine me demanda de faire partie de son nouvel orchestre. Son groupe, « Les Problèmes », l’avait quitté pour
devenir « Les Charlots » et Antoine me connaissait parce que nous avions eu l’occasion de l’accompagner en
tant que « Lionceaux ». C’est ainsi que je participais à l’enregistrement d’un de ses albums à la fin de 1966 (je ne
sais plus lequel) et que je partis en galas avec lui et quelques autres musiciens (Alain, pressenti également, avait
refusé, mais Bob se joignit à nous par la suite). Entre temps, Alain était allé voir Lee Hallyday, ex-directeur
artistique des « Lionceaux », mais aussi celui qui s’occupait entièrement de Johnny (il était son cousin par alliance et,
avec sa femme Desta, l’avait élevé, d’où son nom de scène).
Lee fut tout aussi dithyrambique qu’Alain Boublil, mais à la différence de ce dernier, il me proposa immédiatement un contrat de sept ans avec,
d’entrée, l’enregistrement d’un album entier à la clé. Et il y avait déjà bien réfléchi puisqu’il me fit écouter une
demi-douzaine de chansons américaines de R&B à adapter en français, dont « Look at Granny run run »
(Regarde grand-mère courir), chanté par Howard Tate (très peu connu en France), avec un texte de Mort Shuman
SVP, qui deviendra mon premier extrait de l’album « Si je ne t’aimais qu’un peu », dont j’avais moi-même écrit
le texte ! Il me proposa d’enregistrer quatre play-back à New York au « Talent Master Studio » dans la foulée de
l’album que Johnny y ferait aussi et, sachant qu’il m’arrivait de composer, m’encouragea « à ne pas me gêner ».
Je me demande encore aujourd’hui « quelle mouche avait piquée Lee Hallyday pour me proposer ce contrat ». Il
était au top avec Johnny et n’avait sans doute pas besoin de lancer un nouveau chanteur, même s’il lui trouvait
« beaucoup de talent ». En fait, avec le recul du temps, je crois avoir compris que les relations entre Lee et
Johnny n’étaient pas toujours « au beau fixe » ... et je devais être arrivé à un moment où ça n’allait pas très bien
entre eux ! Du coup, pendant que Lee était à New York, j’enregistrais dans le petit studio DMC des éditions
Tutti (le magnétophone n’avait que trois pistes) avec l’orchestre qu’avait constitué Antoine, dont Pierrot Fanen
(baptisé le « Clapton français »), Jean-Pierre Pouret, dit « Chinois », à la basse, Philippe Briche, un pianiste
formidable, plus Bob Mathieu et Alain Hattat. La section de cuivres était celle d’un groupe anglais très populaire
à Paris. Avec Lee, on avait choisi d’autres titres américains de R&B et quelques compositions à moi.
Mon premier album sortit au printemps 1967. Il avait été mixé au studio CBE à Paris par Bernard Estardy que je
n’allais pratiquement plus quitter, sauf pendant les années 1970 et pour quelques exceptions au cours de la
décennie suivante. Le but de Lee n’était pas de faire en sorte que « tout le monde se précipite sur mon disque
pour l’acheter », mais de me faire connaître auprès du monde du show-business français. On avait décidé de
m’habiller « à la mode R&B », façon Otis Redding, avec pantalon très serré et « feu de plancher », boots aux
pieds, veste courte et chemise à col anglais avec fine cravate et, si possible, avec manches à jabots. J’avais l’air
un peu ridicule, mais mon allure allait parfaitement avec le style de musique adoptée.
« Et Lee réussit son coup » ! Il n’y avait alors que deux chaînes de télévision et quatre radios dites
« périphériques » : Europe 1 avec « Salut les copains », et RTL avec « Le Président Rosco », RMC et Sud-Radio,
sans oublier France Inter où officiait Gérard Klein. RTL embraya la première et Rosco fit en sorte de me
matraquer à mort pendant ses émissions. Europe 1 suivit le mouvement, de même que les autres radios. Du coup,
mon nouveau nom fut connu partout : « Herbert Léonard » ! Lee avait estimé que mon vrai nom était trop
compliqué et trop germanique. Du coup, il avait éliminé le « h », inversé le « o » et le « e » et avait décidé que
« Herbert » sonnerait plus « anglais qu’Hubert ». Je n’y trouvais rien à redire et, aujourd’hui encore, je ne pense
plus à mon vrai nom que lorsqu’il le faut absolument.
Mon premier album ne se vendit pas beaucoup ! Mais qu’importe ! Lee misait sur le temps et les choses allaient
très vite en cette fin des années 1960. En attendant, je gagnais ma « pauvre vie » comme musicien derrière
Antoine. Il tournait beaucoup et avait eu la chance de se faire très remarquer au festival de San Remo au début
de 1967 ... ce qui en fit immédiatement une « Star » en Italie ! Une tournée de deux mois fut mise sur pied pour
l’été et nous n’eûmes pas l’occasion de revenir en France avant la fin du mois d’août. Heureusement, avant de
partir en Italie, Lee m’avait fait enregistrer mon second disque, un super 45 tours (4 titres), et avait eu l’idée
géniale de me faire adapter la chanson « Sombody to love », le tube mondial du groupe américain « Jefferson
Airplane » qui, en français, s’appela « Pour un peu d’amour ». Enregistrée à Londres avec une orchestration très « Flower Power »,
cette chanson devint le « chouchou » de la semaine à « Salut les copains » dès sa sortie ! Le
tube était en vue et, de fait, il s’en vendit 70 000 exemplaires en moins d’un mois.
Johnny Hallyday, dont Lee redoutait la réaction, apprécia beaucoup ma voix et mon style dès le départ et
contribua à me faire connaître auprès de tous les personnages importants dans le métier. Il me « trimballait
littéralement partout », me donnait des conseils, me présenta à Belmondo (avec qui nous fîmes quelques sorties
nocturnes mémorables) et me voulut dans sa tournée d’automne. J’en étais la vedette anglaise, « Micky et
Tommy » la vedette américaine et lui ... la Star ! Entre chaque artiste, des numéros visuels avaient lieu sur scène
! On ne voit plus cela aujourd’hui et je trouve cela dommage ! Mais les temps ont changé. Pendant la tournée,
Otis Redding mourut dans un accident d’avion et cela m’affecta beaucoup ! Il restera mon idole jusqu’à la fin de
ma vie.
« Pour un peu d’amour » fut un petit tube et, comme Lee misait beaucoup sur moi, un troisième disque fut mis
en chantier très vite après la fin de la tournée avec Johnny. Nous avions choisi quatre titres, mais l’un d’entre eux
ne nous convenait plus une fois enregistré. Il fallait en trouver un autre au plus vite pour finir le nouveau disque
(il faut dire qu’à cette époque un 45 tours ne « durait » pas plus de trois mois). Et là, le hasard intervint. Lee
s’occupait aussi d’Hervé Villard qui n’arrivait décidément pas à chanter un des titres qu’il avait retenu (tonalité
trop haute). Lee parvint à me décider d’apposer ma voix sur le play-back orchestre laissé vacant par Hervé.
Enregistré à Londres, il était très séduisant et, même si je n’avais pas attaché beaucoup d’importance à la
mélodie, je la chantais en « deux-temps, trois mouvements », surtout pour que mon disque puisse sortir au plus
vite. Bien nous en prit car la chanson devint mon premier gros tube et cela, en plein mois de mai 1968, au plus
fort des problèmes politiques et de la grève générale. La chanson s’intitulait « Quelque chose tient mon cœur » et
elle est encore aujourd’hui dans toutes les mémoires des gens de ma génération.



















